Médiation en entreprise : comment le PCM a désamorcé un conflit né d’une fusion interne

23 novembre 2025 | Écrit par Sébastien Robineau | Temps de lecture : 10 minutes

Sommaire

  1. Un conflit, une médiation

  2. Le frein à la médiation : la peur de perdre la face

  3. Le déroulement de la médiation : de l’individuel au collectif

  4. Les enseignement de cette médiation

  5. Conclusion


Un conflit, une médiation

Une entreprise spécialisée dans l’ingénierie industrielle, décide de fusionner deux départements historiquement séparés : le pôle projets techniques et le pôle maintenance. L’objectif est simple : créer des synergies, éviter les doublons, améliorer la qualité de service.

Dans les faits, les choses sont loin d’être simples.

Deux managers se retrouvent en co-direction :

  • Éric, 42 ans, ingénieur, ancien responsable du pôle technique, réputé méthodique, structuré, attaché aux procédures.

  • Mélanie, 38 ans, issue du pôle maintenance, énergique, centrée sur le terrain, orientée solutions rapides et satisfaction client.

Les équipes, auparavant bien identifiées, doivent soudain travailler ensemble. Les périmètres se chevauchent, les décisions s’entrechoquent, et la direction tarde à clarifier les hiérarchies.

Les premières semaines sont diplomatiques. Les suivantes deviennent tactiques.

Puis la rivalité éclate :

  • réunions tendues,

  • mails envoyés en copie à toute la chaîne hiérarchique,

  • décisions prises sans concertation,

  • blocage sur des sujets stratégiques.

La fusion, au lieu de produire de la cohérence, produit du chaos.

Ce conflit n’est pas né d’une question de compétences.

Ni d’une divergence stratégique.

Il est né d’un choc de représentations et d’une blessure identitaire.

Pour Éric, la fusion est perçue comme une menace sur son périmètre construit pendant quinze ans. Il lit chaque initiative de Mélanie comme une remise en cause. Quand elle décide rapidement, il y voit de la précipitation. Quand elle consulte les équipes sans lui, il y voit une tentative de le contourner.

Pour Mélanie, la fusion est vécue comme une chance… rapidement transformée en cage. Chaque procédure imposée par Éric lui apparaissait comme une manière de la brider. Dans chaque demande de reporting détaillé, elle voit un manque de confiance.

Ce sont les interprétations — et non les faits — qui alimentent la querelle. Chacun croit deviner les intentions de l’autre. Chacun interprète selon sa peur :

  • peur de perdre son territoire pour Éric,

  • peur d’être dévalorisée pour Mélanie.

Le frein à la médiation : la peur de perdre la face

Lorsque la direction RH propose une médiation, Mélanie dit oui sans hésiter. Éric, en revanche, refuse immédiatement.

Son frein ? La peur de perdre la face.

Il pense qu’accepter une médiation revient à reconnaître une faute, à s’exposer, à perdre son statut d’expert incontesté.

Je le rencontre dans un entretien exploratoire.

Il me dit :

« Une médiation, c’est bon pour les équipes qui s’entendent mal. Pas pour des managers expérimentés. »

Je lui explique que la médiation n’est pas une sanction.

Ni un tribunal.

Ni une thérapie.

C’est un outil de leadership (mot magique…), un espace de clarification stratégique.

Petit à petit, son regard change.

« Si ça peut nous aider à clarifier les responsabilités, pourquoi pas. »

Le frein tombe. La médiation peut commencer.

Le déroulement de la médiation : de l’individuel au collectif

Avec Éric

Il parle debout, les bras croisés.

« Je ne comprends pas. J’ai de l’expérience, je connais nos clients, et je me retrouve à justifier chaque décision. On me coupe les ailes. »

En creusant :

  • peur d’être dépassé,

  • peur de ne plus être indispensable,

  • peur de perdre le contrôle.

Avec Mélanie

Elle arrive avec une énergie nerveuse :

« Je suis venue pour faire avancer les choses. Pas pour passer ma vie à demander la permission. Si je dois valider chaque coupe budgétaire ou chaque prestataire, on n’avancera jamais. »

En creusant :

  • besoin d’autonomie,

  • besoin de reconnaissance,

  • besoin de rapidité et de confiance.

Pour chacun, l’autre n’est pas un adversaire. L’autre est le miroir de sa propre peur.

Première séance plénière : créer le pont

J’installe un cadre clair : écoute, non-interruption, reformulation obligatoire.

Je commence par un constat neutre :

« Aujourd’hui, deux équipes attendent une gouvernance claire. Chaque jour de blocage fragilise la fusion et l’image de votre direction. »

Puis j’invite chacun à exposer un fait ayant généré une tension. Pas une interprétation. Un fait.

  • Éric : « Le prestataire engagé sans que j’ai été informé. »

  • Mélanie : « La validation budgétaire demandée alors que le client menaçait de partir. »

Le pont se crée à ce moment précis : ils parlent du même événement… mais avec deux réalités différentes.

C’est ici que j’introduis le Process Communication Model (PCM). Le PCM est un outil puissant pour comprendre comment chacun réagit sous stress et comment mieux se parler.

Il identifie :

  • des types de personnalité (Empathique, Analyseur, Persévérant, Promoteur, Imagineur, Energiseur),

  • des besoins psychologiques propres à chacun,

  • des signes de stress reconnaissables,

  • des canaux de communication adaptés.

Éric montre une dominante Analyseur / Persévérant :

  • il a besoin de logique, d’organisation, de structure,

  • sous stress, il se rigidifie, devient perfectionniste, tatillon, critique.

Canal à utiliser avec lui : le factuel, les preuves, la cohérence.

Mélanie présente une forte dominante Energiseur / Promoteur :

  • elle a besoin de liberté d’action, de rapidité, de tests terrain,

  • sous stress, elle devient impulsive, réactive, impatiente.

Canal à utiliser avec elle : le dynamique, le concret, l’action.

Comment le stress les enferme ?

  • Quand Mélanie va vite, Éric voit un manque de rigueur → il se crispe → il multiplie les contrôles → Mélanie se sent entravée → elle accélère encore → il rigidifie → boucle de stress.

  • Quand Éric demande du détail, Mélanie y voit un manque de confiance → elle s’agace → il se braque → elle s’emporte → boucle de stress.

Le PCM met en lumière une vérité simple : ils s’épuisaient non pas parce qu’ils étaient incompatibles, mais parce qu’ils parlaient deux langues différentes.

Deuxième séance plénière : adapter les communications

Je propose un exercice basé sur le PCM :

1) Identifier ce dont chacun a besoin pour sortir du stress.

  • Éric : des informations claires, des process partagés, des décisions posées.

  • Mélanie : du rythme, de l’autonomie, un champ d’action délimité.

2) Co-construire une manière de communiquer adaptée au type de l’autre :

  • Mélanie s’engage à prévenir Éric en amont lorsqu’elle doit agir vite.

  • Éric s’engage à formuler ses demandes en termes de besoins, pas de contrôles.

  • Chacun utilise le canal favori de l’autre en cas de tension :

    • pour Éric : un message factuel structuré,

    • pour Mélanie : un message court orienté solution.

3) Élaborer une carte de fonctionnement partagé :

  • décisions stratégiques : co-décision,

  • décisions opérationnelles sensibles : information préalable,

  • décisions courantes : autonomie.

Le PCM rend visible l’invisible : le stress n’est pas un défaut. C’est une réaction de survie.
En comprenant la logique de stress de l’autre, la coopération devient possible.

Troisième séance plénière : restaurer la confiance

Cette séance est dédiée à la reconnaissance.

Je demande :

« Qu’avez-vous observé de positif chez l’autre dans les trois dernières semaines ? »

Éric :

« J’ai vu que tu avais géré trois urgences sans dépassement budgétaire. Et tu m’en as informé clairement. Merci. »

Mélanie :

« Et toi, tu m’as laissé piloter le dossier Orphée en totale autonomie. J’ai senti que tu me faisais confiance. »

Le PCM leur a appris que la reconnaissance est un besoin psychologique essentiel… mais que chacun ne perçoit la reconnaissance qu’à travers son propre canal.

Éric veut entendre : « C’est structuré, c’est clair ».

Mélanie veut entendre : « Tu vas vite, tu assures ».

Ils apprennent à reconnaître dans le langage de l’autre.

La confiance revient.

Les enseignements de cette médiation

Cinq enseignements majeurs sont à retenir de cette médiation :

  • Les conflits naissent souvent de malentendus relationnels, pas de compétences.

  • Le PCM est un outil puissant pour décoder les réactions de stress.

  • Adapter sa communication au canal de l’autre n’est pas un luxe : c’est indispensable.

  • La peur de perdre la face bloque souvent la médiation : il faut sécuriser l’ego.

  • Une fusion ne réussit que si les leaders comprennent leurs besoins psychologiques.

Si je devais conclure…

Ce conflit interne n’était pas un problème de fusion.

Ni un problème de budget.

C’était un problème de communication sous stress.

Le PCM a permis de rendre visible ce qui se jouait dans l’ombre : deux besoins, deux manières de fonctionner, deux façons de réagir… mais un potentiel de complémentarité immense.

Si vous êtes confronté(e) à un conflit, ne laissez pas la tension s’installer.

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