Le besoin de reconnaissance, source de conflit

12 octobre 2025 | Écrit par Sébastien Robineau | Temps de lecture : 10 minutes

Sommaire

  1. Un conflit, une médiation

  2. Le frein à la médiation : le coût de la médiation

  3. Le déroulement de la médiation : de l’individuel au collectif

  4. L’outil utilisé dans cette médiation : l’Analyse transactionnelle

  5. Les enseignement de cette médiation

  6. Conclusion


Un conflit, une médiation

Dans une grande entreprise du secteur de l’assurance, le département commercial vivait depuis plusieurs mois une transformation interne. L’objectif était de digitaliser les pratiques, de réorganiser les portefeuilles clients et d’instaurer une culture plus agile.

Officiellement, tout le monde soutenait le projet. En réalité, les équipes étaient épuisées.

Sophie, manager d’une équipe de huit commerciaux, portait la réorganisation à bout de bras. Ancienne cheffe d’équipe respectée, elle s’était retrouvée en première ligne, sommée de « transformer » sans moyens supplémentaires.

Lucas, l’un de ses commerciaux les plus expérimentés, voyait cette transformation comme une menace. Ses clients historiques étaient redistribués, ses indicateurs modifiés, son autonomie réduite. Ce qu’il vivait ? Une perte de contrôle et un sentiment d’injustice.

Le conflit a éclaté un matin, lors d’un point d’équipe :

« Je veux que vous intégriez les nouveaux outils avant la fin du mois. On doit être exemplaires. »
Sophie

« Exemplaires ? Vous avez vu dans quel chaos on travaille ? Vous décidez tout sans nous consulter, et vous nous demandez d’applaudir ? »
Lucas, les bras croisés

Le ton est monté. L’échange a duré moins de cinq minutes, mais il a laissé des traces profondes. Lucas a quitté la salle, furieux. L’équipe, choquée, a baissé les yeux.

Ce conflit avait tout du conflit d’équipe :

  • Sophie pensait incarner le leadership attendu : fixer un cap, rassurer, impulser.

  • Lucas y voyait de l’autoritarisme et du mépris pour l’expérience du terrain.

Chaque mot prononcé était filtré par leurs propres croyances. Sophie interprétait les silences de Lucas comme de la résistance passive, pendant que lui percevait ses mails directifs comme des ordres méprisants.

L’entreprise a proposé une médiation. Sophie a accepté sans hésiter. Lucas, lui, a refusé.

Le frein à la médiation : la compétence du médiateur

Lors de notre premier contact, Lucas m’a accueilli froidement :

« Encore un coach payé pour nous dire de nous aimer, c’est ça ? Vous connaissez notre métier, vous ? »

Son frein était clair : le manque de confiance dans les compétences du médiateur. Il pensait que la médiation allait tourner à la psychologie de comptoir. C’était mal me connaître !

Pour lever ce frein, j’ai commencé par expliquer mon rôle :

  • Je ne décide rien.

  • Je ne cherche pas à « faire la paix ».

  • Mon rôle est de rendre le dialogue possible et utile.

Puis, sans jargon, je lui ai présenté mon expérience : vingt ans de barreau dont dix à diriger des cabinets d’avocats, avant de raccrocher ma robe pour me consacrer à la médiation, une autre manière d’aborder la résolution des conflits.

« Bon, au moins, vous savez de quoi vous parlez. »

C’était un premier pas. Ouf… 😇

Le déroulement de la médiation : de l’individuel au collectif

Sophie a voulu me rencontrer la première. Elle semblait nerveuse :

« Je ne dors plus. J’ai l’impression d’être jugée en permanence. Lucas critique tout, mais il ne propose rien. Je ne comprends pas pourquoi il s’acharne sur moi. »

Je lui ai demandé de me parler du Lucas d’avant. Son visage s’est adouci :

« C’était mon meilleur commercial. Fiable, engagé. Il formait même les nouveaux. Je ne le reconnais plus. »

En réalité, Sophie vivait un sentiment de trahison.

Lors de son entretien, Lucas, lui, bouillonnait :

« Avant, on décidait ensemble. Depuis la réorganisation, tout est imposé. Elle parle d’agilité, mais elle ne consulte personne. J’ai l’impression d’être devenu un pion. »

Je lui ai demandé ce qu’il voulait aujourd’hui.

« Qu’on m’écoute. Qu’on arrête de faire comme si j’étais un obstacle. »

Derrière sa colère, un besoin profond, celui de retrouver une place reconnue dans l’équipe.

Ces entretiens ont permis de comprendre que chacun se battait pour préserver son identité professionnelle : Sophie, la manager respectée et Lucas, le commercial autonome.

Lors de la première rencontre commune, la tension était palpable. J’ai proposé un cadre simple : parler en son nom, écouter sans interrompre, reformuler avant de répondre et ne jamais incriminer l’autre. Voici un bref extrait de leurs échanges :

  • Sophie : « Quand tu contestes mes décisions en réunion, je me sens déstabilisée. » 

  • Lucas : « Quand tu dis que je freine le changement, je me sens trahi. »

Pour la première fois depuis des mois, ils se parlaient vraiment.

Lucas a ajouté, d’une voix plus posée : « Je ne cherche pas à te nuire. Mais j’ai besoin de comprendre ce qu’on attend de moi. ». Sophie, plantant son regard doux dans les yeux de Lucas s’est livrée : « Et moi, j’ai besoin que tu me dises quand quelque chose ne va pas, plutôt que de le garder pour toi. »

Cette première séance n’a pas réglé le conflit, mais elle a ouvert la porte à une reconnaissance mutuelle des intentions.

Avant de nous retrouver pour une deuxième séance, j’ai proposé à Sophie et à Lucas d’interroger leur équipe sur comment les uns et les autres avaient vécu ce conflit. Lors de la deuxième séance, j’ai demandé à Sophie et à Lucas de me livrer le retour de l’équipe. Plusieurs collaborateurs leur avaient avoué qu’ils s’étaient sentis pris en étau entre deux loyautés : celle due à leur manager et celle envers leur collègue de longue date. Je les ai regardé, en silence, et Sophie a repris la parole, suivie de Lucas :

« Je me suis isolée. J’ai voulu tout contrôler. Je croyais bien faire. »
Sophie

« Et moi, j’ai passé mon temps à râler sans proposer. Je me suis enfermé dans la critique. »
Lucas

L’outil utilisé dans cette médiation : l’Analyse transactionnelle

En analyse transactionnelle, nous savons que les besoins psychologiques non satisfaits sont une cause élémentaire de stress et donc de conflit. Le besoin de reconnaissance est un besoin psychologique de premier plan dans les relations professionnelles. L’oublier, c’est s’assurer de vivre un conflit comme celui de Sophie et de Lucas.

Trois mois plus tard, la transformation commerciale suivait son cours. Le climat s’était apaisé. Lucas avait repris goût à son métier, et Sophie avait retrouvé son leadership naturel.

Leur relation n’était pas devenue idyllique, mais elle reposait sur une compréhension réciproque :

  • Sophie savait quand ralentir pour écouter.

  • Lucas savait quand exprimer son désaccord sans agressivité.

L’analyse transactionnelle leur avait permis de comprendre leurs mécanismes sous stress, et de s’en libérer.

L’issue de cette médiation : des accords concrets

Ce processus de médiation a marqué un tournant. L’équipe a commencé à construire de nouvelles règles :

  1. Réunions plus courtes, centrées sur les décisions.

  2. Un espace mensuel de « feedback croisé ».

  3. Une communication écrite systématique pour clarifier les objectifs.

Les enseignements de cette médiation

Que retenir de cette expérience ?

  1. Les conflits naissent souvent d’interprétations, pas d’intentions. Avant de juger, clarifiez ce que l’autre a voulu dire.

  2. Le doute sur le médiateur est naturel. Exiger des garanties de compétence est légitime. Un médiateur crédible doit inspirer confiance.

  3. Les émotions ne sont pas des faiblesses. Elles révèlent les besoins non satisfaits : reconnaissance, sécurité, autonomie.

  4. Le conflit peut renforcer l’équipe. Bien géré, il restaure la confiance et stimule l’innovation.

  5. La prévention passe par la clarté. Un feedback régulier, une reconnaissance explicite et des espaces de parole évitent les interprétations toxiques.

Si je devais conclure…

Ce conflit n’était pas un échec managérial, mais un signal. Il a révélé la difficulté de concilier transformation et reconnaissance, hiérarchie et autonomie.

Grâce à la médiation et à l’analyse transactionnelle, Sophie et Lucas ont découvert qu’un conflit bien accompagné n’abîme pas la relation. Il la renouvelle.

En entreprise, le leadership ne se mesure pas à la capacité d’éviter les tensions, mais à celle de les traverser sans détruire la confiance.

Si vous êtes confronté(e) à un conflit, ne laissez pas la tension s’installer.

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