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Gérer un conflit émotionnel en entreprise

21 septembre 2025 | Écrit par Sébastien Robineau | Temps de lecture : 10 minutes

Sommaire

  1. Un conflit, une médiation

  2. Le frein à la médiation : la peur de perdre la face

  3. Le déroulement de la médiation : de l’individuel au collectif

  4. L’outil utilisé dans cette médiation : le process communication model

  5. Les enseignement de cette médiation

  6. Conclusion


Un conflit, une médiation

Dans une société de conseil parisienne de 120 salariés, le climat social s’était progressivement détérioré. L’entreprise avait connu une forte croissance, multipliant les contrats avec des clients exigeants. Cette réussite économique avait un coût : la pression sur les équipes. 

Dans ce cabinet, les consultants travaillaient souvent plus de 60 heures par semaine. Les délais étaient serrés, les attentes des clients immenses. Dans ce contexte, les émotions débordaient régulièrement, mais restaient le plus souvent contenues. 

Pourtant, au sein d’une équipe de dix personnes, un incident a tout fait basculer. L’opposition entre Claire, manager expérimentée, et Thomas, consultant prometteur mais impulsif, a cristallisé un malaise plus large. 

Tout a commencé lors d’une réunion hebdomadaire. Alors que Claire présentait les objectifs du trimestre, Thomas a levé la main, puis, incapable de contenir sa frustration, a explosé : 

Ça suffit ! On nous traite comme des machines, on ne peut pas travailler à ce rythme !

Le silence dans la salle a été glacial. Claire, prise de court, a répondu sèchement : 

Ce n’est pas en criant que tu gagneras du respect. Si tu n’es pas capable de tenir la cadence, peut-être que ce poste n’est pas fait pour toi.

Ses mots ont résonné comme un couperet. L’équipe, figée, a compris qu’un cap venait d’être franchi.

Ce conflit n’avait rien à voir avec une question technique. Les objectifs étaient clairs, les moyens identifiés. Mais la gestion des émotions avait fait défaut. 

  • Thomas, sous pression, avait laissé exploser sa colère. 

  • Claire, blessée dans son autorité, avait réagi par une attaque personnelle. 

Dans les jours suivants, le malaise s’est installé. Thomas, humilié, s’est replié. Claire, vexée, a durci son management. Les collaborateurs, eux, évitaient d’évoquer le sujet, mais ressentaient la tension. L’équipe fonctionnait, mais sous une chape de plomb. 

Le frein à la médiation : la peur de perdre la face

Alertée par plusieurs consultants, la DRH a proposé une médiation. Claire a accepté immédiatement, souhaitant “clarifier les choses”. Mais Thomas a refusé net. 

Son frein était la peur de perdre la face. Il me l’a confié lors de notre première rencontre : 

Si j’accepte une médiation, c’est comme si j’avouais que j’ai mal agi. Tout le monde pensera que j’ai été le gamin capricieux qui a crié sur sa chef.

C’est un obstacle fréquent : beaucoup associent la médiation à un aveu de faiblesse.

J’ai pris le temps de lui expliquer que la médiation n’était pas un procès, mais un espace pour exprimer ses besoins. J’ai insisté en lui précisant : 

Chercher de l’aide, ce n’est pas perdre la face. C’est montrer que tu prends tes responsabilités.” 

Peu à peu, il a accepté de s’engager. 

Le déroulement de la médiation : de l’individuel au collectif

Derrière son calme apparent, Claire était blessée. Elle m’a dit d’une voix ferme : 

J’ai eu l’impression qu’il me manquait de respect. Devant toute l’équipe, il m’a attaquée. Comment puis-je garder mon autorité si je laisse passer ça ?” 

En approfondissant, j’ai entendu un besoin fort : préserver son autorité sans être perçue comme une cheffe autoritaire. Elle voulait être respectée, mais aussi reconnue comme juste. 

Thomas, au contraire, oscillait entre honte et colère. 

Je regrette d’avoir crié. Mais je n’en pouvais plus. Personne ne nous écoute. On bosse jour comme des malades et tout ce qu’on entend, c’est “tenez la cadence”. J’avais besoin qu’on entende ma souffrance.” 

Son besoin essentiel était clair : être reconnu comme une personne, pas seulement comme une ressource facturable. 

Ces entretiens ont permis de dégager un constat : le conflit n’opposait pas deux personnes incompatibles, mais deux besoins légitimes – autorité et reconnaissance – exprimés maladroitement. 

Evidemment, la première séance plénière a été tendue. Thomas et Claire s’évitaient du regard. Je leur ai proposé un exercice : exprimer leurs ressentis en utilisant la forme “je” et non “tu”. Et je les ai écoutés :

  • Thomas : “Quand j’ai crié, c’était parce que je me sentais écrasé. Je n’ai pas voulu t’attaquer.” 

  • Claire :  “Je me suis sentie attaquée dans mon rôle.

Ces phrases, simples mais sincères, ont permis un début de reconnaissance mutuelle. L’émotion, au lieu d’être un obstacle, devenait une information précieuse sur ce que chacun vivait.

L’outil utilisé dans cette médiation : le process communication model

Pour aller plus loin, j’ai présenté le Process Communication Model (PCM), un outil puissant pour décoder les interactions. 

Le PCM identifie six profils de personnalité, chacun avec ses forces et ses besoins psychologiques. Sous stress, chaque profil développe des comportements spécifiques. 

  • Thomas avait un profil orienté “Analyseur”. Besoin de reconnaissance de son travail, d’un environnement stimulant. Sous stress, il se plaignait, explosait, et rejetait la faute sur les autres. 

  • Claire avait un profil “Persévérant”. Besoin de reconnaissance de ses opinions et de son autorité. Sous stress, elle devenait critique et cassante. 

En comprenant ces mécanismes, ils ont réalisé que leurs réactions n’étaient pas des attaques volontaires, mais des automatismes liés à leur stress.

Avec cette nouvelle grille de lecture, nous avons travaillé sur des ajustements concrets. 

  • Thomas a dit : “J’ai besoin qu’on reconnaisse nos efforts avant de nous demander d’en faire plus. Sinon, je me sens invisible.” 

  • Claire a répondu : “J’ai besoin qu’on respecte mon rôle devant l’équipe. Sinon, je me sens décrédibilisée.” 

L’issue de cette médiation : des accords concrets

À la fin de la médiation, nous avons alors défini ensemble trois règles : 

  1. Un temps mensuel dédié aux ressentis : Claire et Thomas peuvent partager leurs difficultés sans crainte vis-à-vis l’un de l’autre.

  2. Une règle d’expression en privé : toute contestation doit d’abord être exprimée directement à la personne concernée, et non en réunion plénière.

  3. Une reconnaissance régulière : Claire s’est engagée à valoriser publiquement le travail de Thomas, même en période de forte pression. 

Quelques semaines plus tard, l’équipe avait retrouvé un climat plus serein. Thomas ne s’était pas transformé en collaborateur modèle, mais il avait trouvé un espace pour exprimer ses frustrations autrement. Claire, de son côté, avait appris que préserver son autorité passait aussi par l’écoute. 

La médiation avait permis de transformer un affrontement en apprentissage collectif. 

Les enseignements de cette médiation

Que retenir de cette expérience ?

  1. Les émotions sont au cœur des conflits. Elles ne disparaissent pas parce qu’on les ignore.

  2. La peur de perdre la face bloque souvent. Mais accepter de dialoguer est un signe de courage, pas de faiblesse.

  3. PCM est un outil puissant. Comprendre les profils de personnalité aide à décoder les réactions sous stress.

  4. Exprimer les émotions dans un cadre sécurisé évite l’explosion. Un temps régulier de régulation est une prévention efficace.

  5. Le conflit peut renforcer une équipe. Bien géré, il devient une occasion de mieux se connaître et de mieux coopérer.

Si je devais conclure…

Ce conflit entre Claire et Thomas n’était pas une guerre d’ego. C’était une rencontre brutale entre deux émotions : la fatigue d’un collaborateur et la blessure d’un manager. 

Grâce au PCM et à la médiation, ils ont appris à décrypter leurs réactions et à y répondre autrement. 

La leçon est simple : au travail, les émotions sont inévitables. La question n’est pas de les éviter, mais de savoir les apprivoiser. 

Si vous êtes confronté(e) à un conflit professionnel, ne laissez pas la tension s’installer.

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Cet article est l’épisode #40 de la newsletter “Parlons conflit” diffusée gratuitement par email à ses abonnés tous les dimanches à midi. Chaque semaine, retrouvez Sébastien Robineau pour décrypter un conflit professionnel et découvrir comment en sortir. Pour recevoir le prochain numéro, abonnez-vous ici : abonnement  

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